Merci à Martin Sarret d'avoir traduit cet article volontairement.

La région arctique abrite plusieurs millions de lacs. Leur surface change constamment de taille et d'aspect, en raison à la fois de causes naturelles et du changement climatique. De fait, ces variations à la surface peuvent être des bons indicateurs du changement climatiques. La hausse des températures du sol, conséquences du dérèglement climatique, a un impact sur l'hydrologie de la surface terrestre. Les fluctuations dans les lacs arctiques peuvent modifier les processus d'échange terre-atmosphère, avec des répercussions possibles sur le climat mondial. Des régions entières de l'Arctique sont des zones importantes pour les industries du pétrole et du gaz. Étant donné qu’une grande partie du gaz livré à l'Europe centrale provient de l'Arctique russe, riche en lacs, la hausse des températures ne met pas seulement l'écosystème arctique en danger.

La cartographie des schémas spatiaux et temporels à long terme des lacs arctiques est particulièrement intéressant sur le plan scientifique en raison de leur relation avec le permafrost environnant. La dégradation du pergélisol peut entraîner un changement de terrain qui modifie l'écoulement et le stockage de l'eau. L'engorgement et l'assèchement de l'eau conditionnent le comportement du carbone stocké dans les sols, qui est libéré alors sous forme de méthane ou de dioxyde de carbone.

Figure 2: Lakes on central Yamal, Western Siberia, Russia (Photo: A. Bartsch 2016)
Schéma 2 : Lacs de la région centrale de la péninsule de Yamal, Sibérie occidentale, Russie (photo A. Bartsch 2015)

 

En raison de l'immensité et des conditions difficiles de la toundra arctique, la surveillance de ses lacs et de leur état repose presque entièrement sur des données satellitaires. Afin d'analyser l'état et les changements de ces lacs arctiques, l'imagerie satellitaire doit être de haute qualité et détaillée. Les données optiques, comme celles de la mission Sentinel-2 du programme Copernicus, révèlent la dégradation des rives des lacs, car les sédiments en suspension dans l'eau influencent la réflexion de la lumière solaire. L'imagerie satellitaire permet également de surveiller l'étendue des anciennes rives des lacs et ainsi le processus de fragmentation de ces derniers au fil du temps.

Si l'eau est claire, il est alors possible d'observer la faible profondeur de ces plans d'eau sur leurs bords. L'utilisation de données radar par satellite permet de distinguer encore plus clairement ce phénomène. En hiver, une couche de glace de plus d'un mètre d'épaisseur se forme sur la plupart des lacs, les gelant partiellement jusqu'au sol. Le signal radar pénètre à travers la glace et donne une réponse distincte lorsqu'il touche le sol gelé. Cette technique permet de cartographier la faible profondeur des lacs dans tout l'Arctique. C´est sur ce sujet que s´est récemment penché une équipe de scientifiques autrichiens et russes:

L´Agence spatiale européenne a lancé plusieurs initiatives pour étudier les changements des lacs arctiques. Ces initiatives se concentrent sur l'utilisation des informations satellitaires pour la surveillance du pergélisol et le suivi du changement climatique. Le projet GlobPermafrost, par exemple, investigue spécifiquement l'évolution des lacs par le biais d'images satellite optiques et radar. Le projet CCI+ Permafrost, qui fait partie de l'initiative de l'ESA sur le changement climatique, analyse les phénomènes liés aux variations de températures du sol. Des équipes internationales de toute l'Europe et du Canada travaillent en coopération pour décrypter ces interactions complexes entre le climat et l'environnement dans l'Arctique. Dans le cadre du projet CCI+, des séries chronologiques de températures au sol qui permettent d'observer les changements de h’ydrologie de la surface terrestre en tant qu'indicateurs du changement climatique. Le projet CCI+ s'appuie sur le projet GlobPermafrost, dont les premières analyses ont été réalisées avec les données des nouveaux satellites Sentinel-2. L'ESA espère pouvoir à terme utiliser  les modifications de la surface des lacs comme de puissants indicateurs du changement climatique.

Les « Sentinelles » européennes du programme Copernicus et les acquisitions d'autres missions nationales, notamment japonaise, canadienne, française, allemande et américaine, permettent à l'ESA d'identifier les phénomènes et processus pertinents influençant l'écosystème arctique, y compris dans les zones proches de la côte arctique. C'est, par exemple, l'objet du projet Nunataryuk dans le cadre du programme cadre HORIZON2020, qui se concentre sur l'impact du dégel du pergélisol de ces zones sur le climat et propose des stratégies d'adaptation et d'atténuation pour la population côtière de l'Arctique.

Les configurations spatiales de la glace de lac se déterminent non seulement par l'épaisseur même de la glace, mais aussi par les mouvements de masses d'eau en dessous de celle-ci. Comme l'imagerie radar ne dépend pas de la lumière du soleil, les fissures, les ouvertures et les embâcles sont visibles même pendant la longue nuit polaire. Dans certains cas, on observe des formes circulaires dont l'origine est encore inconnue. Les théories concernant ces caractéristiques incluent le soulèvement de grandes bulles de méthane remontant à la surface ainsi que des modèles de circulation spécifiques de l'eau qui entraînent des différences de température. Ces phénomènes peuvent être identifiés à l'aide d'images optiques et radar prises depuis l'espace (Pointner et al, 2018).

 

Figure 3: Top - Copernicus Sentinel-2 acquisition from central Yamal from winter 2017 (data source: ESA) and ALOS-2 PALSAR from winter 2008 (data source JAXA). The lakes are covered with ice and snow. Visible circular patterns can occur in Arctic lakes. (data preparation by b.geos)
Figure 3: Top - Copernicus Sentinel-2 acquisition from central Yamal from winter 2016 (data source: ESA) and ALOS-2 PALSAR from winter 2016 (data source JAXA). The lakes are covered with ice and snow. Visible circular patterns can occur in Arctic lakes. (data preparation by b.geos)

 

Sources
Pointner, Georg, Annett Bartsch, Bruce Forbes, et Timo Kumpula. (09/2018apr. J.-C.) 2018. « The Role Of Lake Size And Local Phenomena For Monitoring Ground-Fast Lake Ice ». International Journal Of Remote Sensing 39. Taylor & Francis: 1-27, . doi:10.1080/01431161.2018.1519281.