C’est encore récemment, en 1916, que l’explorateur Padre De Agostini révéla une partie de la topographie des glaciers Escondidos (« glaciers caches » en francais). En Patagonie (De Agostini, 1949). Aujourd’hui, les technologies spatiales des missions comme ICESat de la NASA et la Mission de Topographie Radar de la Navette (SRTM pour Shuttle Radar Topography Mission en anglais), permettent d’obtenir des données afin de surveiller les changements des glaciers au fil du temps.
Les glaciers Escondidos sont localises dans le champ de glace de Patagonie méridionale (fig. 1), un endroit où le climat devient indomptable et le brouillard s’allie à la neige pour tout cacher. Aujourd’hui encore, il reste des parties de territoire inexplorées.
Les Escondidos sont formes de trois glaciers connus sous le nom de Fría, Gorra et Dickson. Ces glaciers alimentent en eau de fonte le lac Argentino, le plus grand lac du pays et une reserve d’eau douce deux fois plus importante que la ville de New York. Elle apporte de l’eau potable a tout le bassin de Santa Cruz.
Chaque glacier a un secteur de gain de masse élevé, où il reçoit la contribution de la neige et des écoulements glaciaires supérieurs, appelés le secteur d’accumulation, et un secteur inferieur appelé ablation, ou le glacier perd de sa masse (Chinni, 2004). Une moraine est une accumulation de débris glaciaires non consolidés, formée par la glace, qui se produit dans les régions actuellement ou anciennement glaciées (Bertone, 1972).
Courte histoire du glacier Frias
Parce que son aire d’ablation est couverte de sédiments et moraines, le galcier Frais a eu un comportement tout à fait diffèrent pendant le 20eme siècle par rapport aux autres glaciers du parc national. En 1945, son front a été séparé de ses moraines (Ortone, 2020). Cependant, entre 1945 et 1986, la partie basse du glacier recouvert de débris s’est progressivement transformée en moraine à base de glace entourée de larges pierres et petits dépôts. Entre 1986 et 1995, deux lacs proglaciaires sont apparus sur le front est du glacier dans des aires occupées précédemment par des moraines et des débris. Ces lacs s’agrandissent depuis 1995 dû au recul du glacier. En 1998, les champs d’observation ont permis de détecter de nombreux cours d’eau s’écoulant à la surface de l’aire de sédimentation, mais aussi des coulées et des petites lagunes, indicateurs typiques d’une grande activité de fusion (Martinic, 2010). Les figures 3 et 4 montrent les variations d’élévation et de superficie entre les deux dates d’acquisition.
Recul des glaciers et changement dans la direction de l’écoulement de la fonte des glaces
Un aspect intéressant est la division du bassin versant continental entre les océans Atlantique et Pacifique localisée à l’intérieur de ces glaciers (Rivera, 2004). En effet, les glaciers Escondidos se nourrissaient à l’origine du même courant de glace. L’eau de fonte voyageait plus de 250 km pour traverser les plaines arides de Patagonie, pour se déverser dans l’océan Atlantique. Ces glaciers étaient des barrages naturels. Ils formaient un mur colossal avec la cote voisine, avec un autre glacier connu de Patagonie, le glacier Perito Moreno.
Depuis la fin du 20eme siècle, le recul des glaciers s’est intensifié considérablement, et des grandes quantités de glace ont fondu. Les eaux ont trouvé une échappatoire à travers l’aire de contact du Dickson avec la côte rocheuse. Ce courant, en retour, accélère la fonte des glaces et le débit, résultant la disparition du dépôt formé dans la zone nord entre les glaciers Dickson et Frías (Martinic, 2010). A cause de la fonte des glaces, l’eau qui s’écoulait dans un océan, s’écoule maintenant dans l’autre. Le front massique de glace qui supportait l’écoulement de l’eau, a cédé au dégel. Cependant, le rôle du front massique de glace est devenu plus important. L’eau qui maintenant s’écoule à l’ouest nourrit le lac Paine et génère un approvisionnement continue d’eau fraiche de 5000 millions de litres par an. Après ce long voyage, elle se mélange aux fjords sales de l’océan Pacifique. Cela implique aussi que le lac Argentin ne reçoit plus de contributions de ce groupe de glaciers.
L’enregistrement d’une image aérienne de cette aire en octobre 1965 montre qu’il n’y avait pas de lac à cette époque entre les glaciers Frías et Dickson, mais ils formaient une masse unique de glace à la place. Entre 1965 et 1984, les Escondidos ont continué graduellement de reculer, réduisant l’aire de 5.76 km2 couverte par la glace glaciaire (figure 5). Cette analyse a été effectuée en combinant l’image aériennes de 1965 prises par un système de camera télescopique et l’image satellites de Landsat 5 de 1984, en une image composite couleur multi-temporelle, qui nous donne une idée de l’occupation et l’utilisation des sols de la zone.
Nous avons combine différentes images prises à différents moments d’une image d’un logiciel de visualisation. Dans les images satellites couleur, chaque pixel a une valeur dans plusieurs canaux de couleur (généralement rouge, vert et bleu). Ces couleurs représentent des bandes de différentes longueurs d’onde dans le spectre lumineux. Une image composite de couleur naturelle montre une combinaison de bandes visibles rouges, vertes et bleues avec des canaux rouges, verts et bleus correspondants.
Cependant, attribuer la bande rouge de l’image de 1965 au canal rouge et les bandes bleues et vertes de 1984 aux canaux bleus et verts, donne une image créée de deux dates différentes. Ce processus permet d’analyser des images de télédétection multi-temporelles acquises pour les mêmes aires géographiques, dans le but d’identifier les changements entre les images aux dates d’acquisition considérées (Chuvieco, 2008). Dans cet exemple, le rouge représente la situation des glaciers en 1985.
Les changements de surface ont été évalués principalement pour les zones d’ablation, les changements dans les zones d’accumulation sont plus compliqués à déterminer à cause de la présence de neige (Rivera, 2004). Selon la méthode décrite précédemment, et à l’aide des images satellites Landsat et Sentinel, les glaciers Escondidos ont reculé de près de 15 km2 au cours des 35 dernières années, équivalent approximativement à la perte d’un quart de la surface de glace la plus exposée à la fonte (figure 6). Regardez l’animation du recul ici.
Surveiller les changements d’élévation depuis l’espace
Selon les données des missions ICESat de la NASA et la mission de topographie radar de la navette (SRTM pour Shuttle Radar Topography Mission), il est possible de surveiller les changements d’élévation de différents points des glaciers au cours du temps. Le SRTM a volé à bord de la navette Endeavour en février 2000. Endeavour a orbite autour de la Terre 16 fois chaque jour pendant sa mission de 11 jours, faisant au total 176 orbites. SRTM a collecté des données radar de 80% de la surface de la Terreavec une latitude de 60 ° nord et 56 ° sud avec des points de données publiées toutes le 1arc-second (approximativement 30 mètres). Chaque point présente une donnée d’élévation verticale mesurée en unité de latitude et longitude géographique. La mission ICESat de la NASA consiste à deux générations de satellites altimétriques laser appelles ICESat et ICESat-2, qui produisent des données d’élévation sur plusieurs années pour déterminer la balance de la calotte glacière ainsi que que la topographie et la connaissance de la végétation à travers le monde.
Nous avons obtenu 358 points des instruments GLAS (Geoscience Laser Altimeter System) et ATLAS (Advanced Topographic Laser Altimeter System) a bord des satellites ICESat et ICESat-2 respectivement, et téléchargé à partir du Centre National de Données sur la Glace et la Neige (NSIDC pour National Ice and Snow Data Center). Les produits à disposition pour la période 2003-2009 et de 2018 a maintenant sont appelés Global Land Surface Altimetry Data and Advanced Topographic Laser. Les données obtenues de ces instruments sont distribuées sous un format binaire. Elles ont été converties en ASCII avec l’outil extracteur d’élévation altimétrique (NGAT pour Altimetry elevation extractor Tool), fourni par le NSIDC GLAS. En faisant cela, nous pouvons comparer les altitudes individuelles de ces points géoréférencés en utilisant le logiciel QGIS. QGIS est un système d'information géographique à source ouverte (GIS pour Geographic Information System) sous licence publique générale (GNU), base sur un projet officiel d’ Open Source Geospatial Foundation (OSGeo).
Les différences en altitude entre les sets de données ont été obtenus arithmétiquement. Nous avons utilisé des filtres pour délimiter les aires glaciaires (obtenues du site officiel GLIMS) pour la sélection des données. En utilisant les données ICESat, avec le model d’élévation digitale SRTM, nous avons pu calculer les différences d’élévation entre les années 2000 jusqu’à maintenant. Les mesures effectuées pour quelques points au-dessus de la zone d’ablation du glacier Dickson montrent la réduction de plus de 60 m de hauteur ces 20 dernières années (figure 7).
Des explorateurs natifs aux cartes modernes basées sur l’espace
La Patagonie était originellement occupée par les Aonikenks, ou ‘Patagones’. Ils étaient les premiers explorateurs natifs a rencontre Francisco de Magallanes quand ce dernier est arrivé au port de San Julián, en 1520. L’enquête Darwin a ensuite été utilisée par Pascasio Moreno comme guide de voyage tout au long de la Patagonie méridionale ; les étrangers étaient guidés par les Aonikenks. Leur précieux travail est toujours d’actualité parce que leurs histoires illustrent les études contemporaines et ouvre les portes pour déchiffrer l’évolution de ces glaciers.
Le meilleur moyen de mesurer l’ablation est d’observer la descente de la surface des glaciers (neige et glace) a de nombreux points du glacier (Geoestudios, 2008). Traditionnellement, la balance massique des glaciers est mesuree directement par methode glaciologique, methode qui consiste à placer un réseau de piquets et de fosses en des points représentatifs de la surface du glacier et à mesurer la distance entre le haut et le bas des piquets. Les mesures effectuées selon la méthode traditionnelle sont réalisées soit entre deux dates fixes, soit à la fin des saisons d'accumulation et d'ablation. En raison du travail manuel intense, cette méthode est peu applicable dans les zones glaciaires accidentées ou éloignées en raison des difficultés logistiques liées au maintien d'un réseau de surveillance, du manque de soutien logistique et des conflits politiques, économiques ou culturels. Dans ces régions, la télédétection spatiale peut offrir des informations complémentaires sur les paramètres des glaciers (Racoviteanu, 2008).
Le parc national de Los Glaciares a été déclaré "patrimoine mondial" par l'UNESCO en 1981 (UNESCO, 2020). Aujourd'hui encore, ce paysage enchanté et isolé reste difficile d'accès et impressionne même les randonneurs les plus expérimentés.
La disponibilité accrue d'images provenant de plateformes de télédétection avec une résolution spatiale et temporelle adéquate, une couverture quasi mondiale et des coûts financiers faibles, permet d'étendre les mesures des paramètres des glaciers sur des zones plus vastes et des périodes plus longues (Racoviteanu, 2008). Néanmoins, la surveillance traditionnelle des glaciers et les mesures sur le terrain sont très précieuses, et il est crucial de maintenir ces réseaux de surveillance à long terme. Les méthodes de télédétection présentent parfois des difficultés, telles que le manque de données, l'insuffisance de données d'élévation et de données satellitaires précises, l'absence de méthodes d'analyse d'images normalisées pour la délimitation de la glace couverte de débris (Racoviteanu, 2008), la recherche d'images appropriées, sans nuages et avec une résolution de pixels précise. La précision des méthodes de télédétection est étroitement liée aux erreurs que peut contenir l'imagerie satellitaire. Malgré cela, ces techniques sont complémentaires et très utiles lorsqu'elles sont combinées pour une meilleure compréhension des processus et des changements (Gari, 2015).
Avec le réchauffement climatique, ces glaciations massives ont subi un important recul (GIEC, 2019). Les résultats de cette étude montrent que la superficie de glace perdue représente plus de 35 % de la superficie totale des glaciers de 1965. Et il s'agit d'une sous-estimation de la superficie totale perdue en raison de l'exclusion de la zone d'accumulation dans l'analyse. Il est donc très important de surveiller les variations récentes. Les variations et le comportement des glaciers qui en découlent sont considérés comme des indicateurs des changements climatiques. Dans une zone aussi difficile d'accès, l'importance des technologies spatiales et en particulier de la télédétection est soulignée comme une aide inestimable pour les études de détection des changements.
Chuvieco, E. 2008. Teledetección ambiental. Grupo Planeta (GBS) España.
Bertone, M. 1972. Aspectos glaciológicos de la zona del hielo continental patagónico. Instituto Nacional del Hielo Continental Patagónico. Buenos Aires.
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Martinic, Mateo. 2010. ¿Un enigma histórico-geográfico resuelto? La intercomunicación de las cuencas hídricas del Paine y Lago Argentino. Vol. 38(2), p. 27-40. Magallania, Chile.
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