Merci à Maria Nagui d'avoir traduit cet article volontairement.
Dans de nombreuses communautés autour du monde, l’eau peut devenir une corvée. L’insuffisance et l’accès limité à l’eau courante obligent les déplacements à la recherche de ressources, de les collecter et les ramener à la maison à l’aide de gallons, de sceaux et de grandes casseroles. Dans des nombreuses communautés en Afrique, les femmes assument cette responsabilité, comme dans la tribu de Samburu au Kenya. Pour les femmes de cette tribu, cette tâche est une routine quotidienne.
« Traditionnellement, je peux dire que dans Samburu, les femmes sont laissées pour compte lorsque les hommes partent (au travail) » a déclaré Lilian Nguracha. Comme les hommes de cette tribu vont travailler dans les champs, le ménage est laissé aux femmes à la maison. « (Avec cela) c’est le rôle de la femme d’aller chercher de l’eau »
Lilian est la fondatrice de Women.conserve et fait partie de la tribu Samburu. Cette organisation qu’elle dirige envisage de donner aux femmes Samburu les moyens d’être de grandes écologistes, de former les femmes sur la façon de créer et d’utiliser des cartes pour identifier leurs territoires et de communiquer leurs problèmes (voir Figure 1). Selon elle, les femmes Samburu naviguent à travers les terres pour trouver de l’eau et la chercher pour l’utilisation chez elles.
Pourtant, au-delà du genre, Lilian a également remarqué un moment opportun pour utiliser la tâche comme un outil puissant pour rendre les femmes autochtones puissantes et informées.
Cartographier les points d’eau et territoires
Lilian est défendeuse des autonomisations des femmes par la science. Ayant travaillé avant comme spécialiste en genre au Northen Rangelands Trust, il est facile de comprendre pourquoi elle veut défendre les femmes et leurs droits. Grâce à l'utilisation appropriée de la science dans sa communauté, en particulier dans le domaine de la télédétection et de l'observation de la Terre, elle espère offrir un meilleur avenir pour les femmes.
« L’eau c’est la vie, sans elle, il n’y a pas de vie. C’est important pour ces femmes d’identifier les endroits où il y a de l’eau propre et en quantité suffisante » dit-elle.
Lilian ajoute que les femmes autochtones, en général, utilisent leurs connaissances afin d’identifier les ressources d’eau et mentionne que les cartes satellitaires les aident à tracer leurs territoires.
« Elles (les femmes autochtones) utilisent leur langue indigène pour marquer leurs racines -en termes de migration, d’identification de l’endroit où elles peuvent obtenir suffisamment d’eau pour leurs tâches ménagères, de l’eau potable, etc. Il est important pour eux d’utiliser des cartes satellites pour cartographier leurs zones, ce qui les aidera à marquer leurs limites, à identifier les zones où l’eau potable est disponible afin d’éviter de tomber malade à cause de l’eau contaminée » ajoute-elle.
Outre que cartographier les ressources d’eau, les données satellitaires et les cartes aident les femmes à déterminer les limites de leur territoire. De plus, former les femmes Samburu à l’utilisation des imageries satellitaires permet de raconter leurs histoires, voir même d’identifier les institutions essentielles comme les dispensaires où elles accèdent à leurs médicaments.
« C’est très important pour elles de savoir où elles peuvent aller pour se soigner et pour obtenir des références. Elles peuvent également cartographier les zones fertiles où elles peuvent cultiver et obtenir leur propre nourriture. » ajoute Lilian.
Promouvoir le savoir et le sentiment d’appartenance
Ce qui rend cette initiative puissante c’est que les femmes peuvent cartographier les aires critiques comme les ressources d’eau dans leur propre langue.
« Lorsqu’elles utilisent ces cartes, elles les utilisent dans leur propre langue et les traduisent dans leur propre langue. Cela est très important parce qu’il leur donne un sentiment d’appartenance, » souligne Lilian.
Pour elle, avoir une langue locale pour soutenir les cartes qu’elles créent leur donne également le pouvoir et l’autorité de les manipuler. Avec cette connaissance et appartenance, les applications des données et des cartes d’observation de la Terre leur permettent de maintenir leur culture pour les générations à venir. Cela leur aide également à communiquer, partager leurs idées et raconter leurs histoires au monde comme entres elles.
« Nous avons nos propres façons de raconter. (A travers cela), nous pouvons aussi dire aux autres femmes qu’elles peuvent conserver (l’environnement), et aussi la culture en faisant leurs affaires de manière indigène », dit Lilian.
Lilian précise que l’apport de cette possibilité de continuité de savoir et de l’impact de l’apprentissage, il est possible de gérer leurs ressources.
Là où il y a de l'eau, les communautés se rassemblent.
De plus, Lilian souligne que là où se trouvent les ressources d’eau, la vie s'épanouit.
"A Samburu, les êtres vivants se déplacent de telle manière qu'ils suivent l'eau »
Ce qui précède sonne également vrai pour tous les êtres vivants sur Terre. Lilian souligne qu'en marquant les ressources en eau, les femmes autochtones peuvent également suivre les voies de migration de la faune. Lilian partage que dans la croyance de leur tribu, la faune est confiée aux femmes. Elle dit qu'à Samburu, ce sont les femmes qui témoignent la souffrance de la faune, en particulier lorsqu'elles sont affectées par des phénomènes naturels, et ce sont elles qui les signalent. Avec de telles connaissances et informations à portée de main, les femmes peuvent partager avec leur communauté où l'eau est disponible et où la faune est plus évidente. De cette façon, la gestion des terres est favorisée. Cela aide sa tribu à identifier les zones où les ressources quotidiennes dont elle a besoin sont disponibles.
« (Les données d'observation de la Terre) aident dans les itinéraires et gèrent la sécheresse. En ce qui concerne de gestion des terres, en particulier ici en Afrique, lorsqu'il y a de la sécheresse, elles sont capables de marquer des limites et de faire une rotation en fonction de la saison », dit-elle.
Cela aide également à tracer les routes de migration, où vivent les gens et la faune, et finalement, empêche les conflits entre la faune et l'homme qui, selon Lilian, causent la mort. Cela favorise alors des modes de vie pacifiques, y compris l'utilisation des ressources naturelles telles que l'eau et les arbres. S'il y a suffisamment de ces ressources, cela crée un équilibre.
"Cela aide à apporter la paix et la création parmi la faune et la vie humaine", ajoute Lilian.
Le rôle important des communautés autochtones dans le façonnement du domaine de l'observation de la Terre
Lors du Symposium international du sommet sur la Terre Digitale pour la jeunesse organisé par la Société internationale pour la Terre numérique en juillet 2021, les membres de l'Alliance autochtone GEO, représentés par Lilian et James Rattling Leaf, Sr., membre de la tribu Rosebud Sioux, ont discuté des raisons pour lesquelles la participation des populations autochtones doit être prise en compte dans la recherche sur l'observation de la Terre. De plus, ils ont déclaré que la résolution des problèmes auxquels notre planète est confrontée en fait partie intégrante.
James a souligné que face aux défis actuels tels que la gestion des terres, de l'eau et des cultures, la voix de la communauté autochtone doit être entendue si le monde veut un avenir meilleur. Bien qu'il y ait de grands efforts dans le monde d'aujourd'hui qui essaient de rassembler les voix autochtones sur la table, James ajoute que cette plate-forme doit être construite sur la justice de l'héritage culturel basé sur l'équité, la diversité et l'inclusion.
Selon les Nations Unies, les peuples autochtones représentent 370 millions de personnes dans le monde, soit environ 5% de la population mondiale. Les territoires autochtones couvrent environ 20% à 25% de la surface terrestre. Cette partition détient 50% des aires protégées dans le monde. Avec la création de l'Alliance autochtone GEO lors du sommet ministériel 2019 du Groupe sur l'observation de la Terre (GEO) à Canberra, l'organisation vise à « favoriser une relation continue, efficace, respectueuse et réciproque avec GEO et les représentants des communautés autochtones du monde entier ».
James souligne :
« Nous avons la responsabilité, pour les générations futures, de prendre soin de la terre en nous engageant efficacement à contribuer et à apprendre les uns des autres. »
Il poursuit en disant que les communautés autochtones veulent fournir des conseils et éduquer les groupes sur la façon avec laquelle ils peuvent les consulter. Pour lui, l'observation de la terre, la science des données et la technologie peuvent soutenir l'intuition comme la façon dont les gens gèrent, protègent et entretiennent les terres ou les ressources de plusieurs façons.
« Je suis d'accord pour dire que l'observation de la Terre est importante et qu'elle doit être l'un des outils de notre boîte pour communiquer au monde entier sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés. C'est juste une autre façon de parler, de partager et de comprendre ce qui se passe dans le paysage. »
« Plus important encore, je pense qu'il commence à documenter les changements, s'il y a des violations des choses qui se passent sur nos terres. Nous avons besoin d'un moyen de documenter cela et de démontrer à nouveau ce qui se passe. Cela fait partie de la boîte à outils. Je pense que c'est la raison pour laquelle il est important que nous renforcions nos capacités afin que nos peuples indigènes puissent à nouveau protéger et soutenir nos terres, nos peuples et nos modes de vie à l’avenir. »
Transcender les savoirs traditionnels et la science moderne
En termes de transmission des connaissances et de combinaison avec la science moderne, Lilian admet que c'est un défi. Pour elle, les connaissances scientifiques et indigènes sont différentes les unes des autres. Une stratégie doit être créée pour que les gens puissent bien utiliser les deux.
"L'essentiel est d'apprendre les uns des autres. Dans la mesure où nous devons mettre en place des lois et des politiques, nous devons faire venir les personnes compétentes, les anciens, les gardiens, et aussi les scientifiques, afin qu'ils puissent apprendre les uns des autres. Mais les savoirs traditionnels doivent être placés au premier plan, en termes d'apprentissage et de fusion", explique Lilian. "Cela signifie formation, éducation, partage de connaissances et des expériences".
Pour James, c'est quelque chose qu'ils essaient encore de comprendre mais il affirme que savoirs traditionnels et scientifiques avancent côte à côte. Il y a des questions qui doivent être soulevées en réunissant à la fois les connaissances traditionnelles et la science moderne, mais selon James, les gens doivent prendre le temps de réfléchir attentivement en termes d'impact des deux sujets l'un sur l'autre.
"Quand je pense à nos communautés, je pense à nos aînés, à ceux qui sont les détenteurs du savoir, je pense qu'il est très important de solliciter leurs conseils, leur sagesse pour comprendre les implications de la technologie numérique ", ajoute-t-il.
James souligne que la pandémie que nous avons connue au cours des deux dernières années a démontré l'importance de protéger leur peuple, en particulier les aînés qu'ils considèrent comme les détenteurs du savoir. Cela les a ensuite amenés à se pencher sur les technologies de cartographie pour aider à identifier les emplacements des personnes âgées et offrir des soins, du soutien et de protection pendant la crise sanitaire.
James mentionne également le soutien de l'Alliance autochtone GEO pour la science moderne sous la forme de hackathons. Cette année, « l'Indigenous FOSS4G Hackathon 2021 » était en partenariat avec « Space4Innovation » et le « Free et Open Source Software » pour le géospatial par l'Open Source Geospatial Foundation (OSGeo). Pour lui, cette plateforme est un excellent moyen de relier les jeunes, les scientifiques, les communautés et les détenteurs de connaissances pour résoudre les problèmes des groupes autochtones en utilisant l'observation de la Terre.
Les 4 R - Respect, réciprocité, responsabilité et relationnalité
Dans la culture de James, il y a un concept appelé « Seven » qui signifie se préparer et planifier pour sept générations. Quand ils pensent à l'avenir, ils pensent aux sept générations à venir.
James poursuit : « Comment protégeons-nous notre patrimoine culturel ? Comment développer une main-d'œuvre pour l'avenir? Et comment finançons-nous ces activités ? Comment ressourcer les activités ? Donc, il y a une vision ici, il y a de la force ici et il y a un but ici dans ce travail. »
Plus que cela, James souligne que l'engagement autochtone doit être basé sur ce qu'il appelle les quatre R - respect, réciprocité, responsabilité et relationnalité. Selon lui, la relationnalité est un concept profondément ancré dans leur culture Lakota appelée « Mitákuye Oyás'iŋ », qui se traduit par « tout est lié ». Il explique que la science et les données sont une seule chose mais surtout, la dimension humaine ne doit pas être laissée de côté.
James a beaucoup d'espoir pour les jeunes et "d'autres qui se battent sur ces questions très difficiles de savoir comment apporter quelque chose de nouveau dans votre culture, tout en maintenant l'intégrité de votre culture?"
Ces questions incitent James à promouvoir activement des liens au sein de la culture, des politiques et des lois. James continue de souligner que des lois solides sont nécessaires pour les protéger pendant qu'ils comprennent comment ils peuvent travailler avec la science moderne comme les données numériques et comment ces informations sont partagées, documentées et mises sur des plateformes comme Internet.
« Lorsqu'il s'agit de comprendre nos terres et nos, j'appelle toujours, lieux sacrés, des choses qui sont importantes pour notre peuple et que nous devons protéger, nous devons également les protéger de manière qu'elles ne soient pas exploitées à tort. »