Merci à Denis Gringas d'avoir traduit cet article volontairement.
État de l'assainissement dans le monde
L'assainissement : la composante souvent négligée de l'Objectif de développement durable 6 (ODD 6) doit être portée au premier plan. Avec 4,2 milliards de personnes, principalement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI) qui n'ont toujours pas accès à des installations sanitaires gérées en toute sécurité, nous devons cesser d'éviter les conversations sur les toilettes, les égouts, et les excréments.
L'ODD 6 vise à apporter l'équité dans la prestation de services d'eau, d'assainissement, et d'hygiène (EAH) en tant que collectif. Avec des objectifs allant de la fin de la défécation en plein air et de la réduction des eaux usées non traitées, à l'augmentation de l'efficacité de l'utilisation de l'eau, l'ODD 6 a le potentiel d'améliorer considérablement la vie de ceux qui sont actuellement laissés pour compte (Figure 1). Une eau gérée en toute sécurité ne peut évidemment pas être atteinte sans insister sur l'assainissement et l'hygiène. Heureusement, les technologies spatiales, bien qu'elles soient souvent explorées en relation avec l'eau potable et marine, ont également des applications dans l'assainissement et l'hygiène. Les données d'Observation de la Terre (OT) peuvent fournir des informations fiables et à jour sur les services d'assainissement en raison de leur grande disponibilité et de leur objectivité - particulièrement importantes dans les zones difficiles d'accès.
Repérer les services d'assainissement
Une application des technologies spatiales pour l'assainissement est l'utilisation de moniteurs portables du Géo-positionnement par satellite (GPS) et de téléphones intelligents (smartphones) pour enregistrer l'emplacement d’installations telles que les latrines, les récipients sanitaires, les fosses septiques, et les réseaux d'égouts (Figure 2). Cela peut être fait à la fois par les décideurs politiques et les particuliers. Étant donné que la cartographie GPS de précision dans les zones denses peut être difficile, les références GPS sont parfois combinées avec l'étiquetage de numéros de référence uniques aux installations ou la prise de photos de celles-ci (Prat et Trémolet 2013). Il existe plusieurs applications mobiles qui stockent et mettent à disposition ces données, notamment mSewage, Sanitation Mapper, et Toilight. mSewage, par exemple, est une application open source qui peut être utilisée par n'importe qui, n'importe où, pour cartographier les évacuations d'eaux usées et les infrastructures d'assainissement, permettant aux communautés d'identifier les sources d'eau à risque. Toilight, quant à lui, est une application spécifiquement pour trouver les toilettes les plus proches avec des caractéristiques souhaitées, permettant aux utilisateurs d'ajouter de nouvelles toilettes via GPS ou en les marquant directement sur la carte (Prat et Trémolet 2013).
En outre, Sanitation Mapper est un outil de surveillance spécifiquement destiné aux décideurs politiques pour cartographier les infrastructures d'assainissement par le biais d'une cartographie par zone afin de surveiller les installations et de permettre la prise de décisions appropriées (Prat et Trémolet 2013). Il convertit instantanément les données topographiques en cartes compatibles avec Google Earth, éliminant ainsi le besoin de compétences SIG (Figure 3). Les données sur les latrines peuvent être analysées de l'une des 7 manières suivantes : couverture améliorée de l'assainissement, personnes par latrine, analyse de l'hygiène, installations d'hygiène menstruelle, installations inclusives pour les personnes handicapées, gestion des déchets fécaux, ou adéquation des paiements. Cela génère ensuite des cartes colorées en fonction du pourcentage d'installations identifiées comme améliorées ou avec des installations d'hygiène menstruelle par exemple (Share et WaterAid 2012). De telles cartes et applications peuvent ensuite être utilisées pour accroître la durabilité de la gestion, identifier les zones où les services sont nécessaires, et accroître l'utilisation des installations.
Identifier les zones prioritaires pour les interventions d'assainissement
Comme mentionné brièvement, la technologie GPS peut aider à identifier les zones prioritaires où les services sont requis, dans le but ultime d'améliorer l'accès équitable. De nombreuses communautés des PRFI, en particulier celles des villes urbaines denses, dépendent de l'assainissement sur place. La gestion des boues fécales (GBF): la collecte, le transport, et le traitement des excréments humains, de l'eau, et des déchets solides provenant de ces systèmes d'assainissement sur place est un processus essentiel pour maintenir des communautés saines et fonctionnelles. La GBF, cependant, reste un défi dans de nombreux PRFI. Les données sur la couverture des services des prestataires de vidange des boues fécales sont souvent limitées en raison de la faible capacité, des contraintes de temps, et des difficultés de collecte de données dans les établissements à forte densité. Cela conduit à une mauvaise GBF, posant de graves risques pour la santé humaine et environnementale tels que la pollution de l'eau et la propagation de maladies liées à l'eau telles que la diarrhée, le choléra, et la dysenterie (Strauss et Montangero 2002). Les systèmes d'information géographique (SIG), bien que sous-explorés ici, offrent des opportunités dans la planification et la gestion des boues fécales en identifiant les zones dépourvues d'assainissement adéquat pour une intervention prioritaire.
Le potentiel du GPS et du SIG pour améliorer l'accès à des services d'assainissement équitables a été étudié par exemple à Kampala, en Ouganda. Ici, Schoebitz et al. (2017) ont collecté des données sur les emplacements des sites de collecte et d'élimination des boues fécales à l'aide d'enregistreurs de données GPS GT-730FL-S installés dans des camions de vidange mécaniques. Les enregistreurs étaient connectés à une banque d’énergie externe qui permettait un enregistrement continu durant 7,5 jours pendant que les camions de vidange effectuaient leurs tournées quotidiennes. Les données GPS ont ensuite été analysées à l'aide d'ArcGIS pour identifier la distribution temporelle et spatiale des événements de vidange des boues fécales et donc l'étendue de la prestation de services (Figure 4). 31% de Kampala a été enregistré comme ne recevant aucun service de vidange au cours de l'étude, les services diminuant clairement à mesure que l'on s'éloigne du centre. Ces constatations ont permis d'identifier à la fois des domaines d'intervention prioritaires pour la municipalité et des marchés inexploités pour le secteur privé.
Des zones prioritaires pour la GBF ont également été identifiées à Lusaka, en Zambie, par Riedler et al (2021), où l'assainissement sur place avec vidange irrégulière est courant. Les auteurs ont identifié huit indicateurs liés à l'OT pertinents pour la GBF: densité des bâtiments, taille des bâtiments, utilisation des bâtiments, verdure urbaine, vulnérabilité des eaux souterraines, distance à l'eau, état des rues, et distance aux stations d'épuration. L'indice de végétation par différence normalisée (IVDN ou NDVI en anglais) et l'indice de teneur en eau par différence normalisée (ITEDN ou NDWI en anglais) ont été dérivés d'images satellites à très haute résolution (THR), tandis que d'autres indicateurs provenaient de données locales et d'OpenStreetMap. Les indicateurs ont ensuite été harmonisés, pondérés, et agrégés dans un indice composite, pour montrer des dispositions géographiques distinctes, tels que des zones inaccessibles pour les camions de vidange. Les indicateurs et l'agrégation ultérieure à un indice composite ont identifié des points chauds pour une intervention prioritaire. Ces zones étaient caractérisées par une forte densité de bâtiments - en supposant une forte densité de population; de petites tailles de bâtiments combinées à une faible couverture végétale - indicateurs de faible revenu; un mauvais état des rues - empêchant l'utilisation de camions pour le vidage; et des eaux souterraines très vulnérables (Riedler et al. 2021).
Optimisation de l'emplacement de station d'épuration
L'analyse des données SIG spatiales à Kampala par Schoebitz et al. (2017) a également permis d'optimiser la logistique des boues fécales - améliorant l'emplacement des stations d'épuration. Les distances de déplacement les plus courtes entre les stations d'épuration actuelles et les événements de vidange ont été enregistrées (Figure 5a). Celles-ci ont ensuite été comparées aux distances linéaires entre les événements de vidange et les futures stations d'épuration prévues (Figure 5b), révélant une réduction potentielle de la distance linéaire de 6,4 km à 5,4 km (Schoebitz et al. 2017). Ce type de connaissances pourrait considérablement augmenter l'efficacité lors du choix de l'emplacement des usines de traitement - en réduisant les temps de déplacement, les coûts de transport, et en augmentant le niveau global de couverture des services.
L'optimisation des emplacements des usines a également été mise en oeuvre dans toute l'industrie du traitement des eaux usées grâce à l'utilisation de données de télédétection, en utilisant des méthodes de superposition d'indices pondérés. L'emplacement inapproprié des usines de traitement des eaux usées peut entraîner une pollution importante des eaux souterraines et de surface, ce qui constitue une menace pour la gestion EAH durable (Benujah et Devi 2013).
A Tamil Nadu, en Inde, le SIG a été utilisé avec succès pour évaluer les sites potentiels d'une usine de traitement des eaux usées. Des images satellites de l'IRS P6 et des cartes existantes ont été intégrées pour produire des cartes thématiques d'affectation des terres, de la pente (préparées à partir des modèles numériques d'élévation (MNE) de 90 m de la Mission topographique du radar de la Navette spatiale), des routes et du drainage, rassemblant des données précieuses sur la zone d'étude. Cela pourrait garantir qu'un site approprié soit sélectionné: un site sur une pente <15 % (pour limiter l'instabilité), à l'écart des zones densément peuplées (pour limiter le risque de contamination), à 200 m d'une route principale (pour limiter la distance à voyager pour les camions), et à 200 m d'un plan d'eau (pour limiter les risques de contamination). ArcGIS a ensuite été utilisé pour effectuer une analyse de superposition d'indices pondérés afin de classer les sites comme bons, modérés, et médiocres (Figure 6) (Benujah et Devi 2013).
En rationalisant la collecte de données et en fournissant des résultats plus précis que les méthodes traditionnelles, les SIG et la télédétection offrent une meilleure protection de l'environnement et une amélioration du niveau de vie des résidents locaux en permettant l'optimisation de l'emplacement des stations d'épuration.
Le Futur
Alors que l'application des technologies spatiales a été explorée dans une plus large mesure pour l'eau potable et marine, leur utilisation dans la gestion des excréments humains et des eaux usées est tout aussi importante du point de vue de l'environnement et de la santé humaine. Les études explorées dans cet article mettent en évidence des opportunités intéressantes pour que la technologie spatiale puisse aider la prestation de services EAH du point de vue de l'assainissement. L'émergence relative de ces applications s'accompagne de nombreuses opportunités de recherche future dans le domaine de l'espace et de l'assainissement pour nous aider à atteindre l'objectif d'un assainissement adéquat et équitable pour tous.
Benujah, B. R, and G Devi. 2013. “Site Suitability Evaluation For Sewage Treatment Plant In Nagercoil Municipality, Tamil Nadu Using Remote Sensing Techniques,” 590–98.
JMP, WHO, and Unicef. 2020. “Progress on Household Drinking Water, Sanitation, and Hygiene.”
Kampala Capital City Authority. 2016. “Kampala Faecal Sludge Management: Improving Faecal Sludge Management For On-Site Sanitation.” 2016. https://www.kcca.go.ug/uDocs/Improving feacal sludge management for on-site sanitation.pdf.
Prat, Marie-alix, and Sophie Trémolet. 2013. “NOTE 2: SANITATION APPS - A Brief Overview of Sanitation App Developments,” no. June: 6 pp.
Riedler, B, J Nodel, R Siber, N Andriessen, L Strande, and S Lang. 2021. “Supporting Urban Sanitation Management through the Integration of EO-Based Indicators.” In EARSeL Liege 2021.
Schoebitz, Lars, Fabian Bischoff, Christian Riuji Lohri, Charles B. Niwagaba, Rosi Siber, and Linda Strande. 2017. “GIS Analysis and Optimisation of Faecal Sludge Logistics at City-Wide Scale in Kampala, Uganda.” Sustainability (Switzerland) 9 (2). https://doi.org/10.3390/su9020194.
Share, and WaterAid. 2012. “Sanitation Mapper: A Free, Simple, and Powerful Mapping Tool.”
Strauss, Martin, and Agnes Montangero. 2002. “Feacal Sludge Management Review of Practices, Problems and Initiatives.”